Aujourd’hui, je n’ai pas du tout envie de sortir mon appareil photo. Pas le courage, pas le mood. D’ailleurs, je n’ai aucune idée de ce dont j’ai envie. Danser peut-être. Ou aimer. Ce qui revient un peu au même. Je me traîne pour couper une planche et préparer la troisième couche de peinture sur le mur de la buanderie. Ce sera bientôt la pièce la plus rutilante de la maison. Mais avant, le hasard de mon dilettantisme saturnien me conduit au fond du jardin.
Je retourne l’herbe coupée. Ça fait bien dix minutes que tu m’observes silencieusement du haut du tas de compost. Je ne te remarque pas tout de suite. Un simple petit coup de vent écarte les feuilles du noyer et permet au soleil de t’atteindre. Il en résulte un bref éclat qui me signale ta présence. Peu farouche, tu restes immobile alors que je m’approche doucement. Courir chercher mon appareil est évidemment la première chose à laquelle je pense. Mais non, à quoi bon ? Tout le monde a déjà vu un orvet. Je ne cherche pas le premier prix du Wildlife Photographer of the Year et je poursuis ma tâche. Pourtant, tu ne bouges pas, contrairement à ton crapaud de voisin que je dois déplacer et qui ne demande pas son reste.

Plus tu me regardes, plus je me dis que cela doit avoir du sens. J’y vais ou j’y vais pas ? Seras-tu encore là quand je reviendrai ? Bon, en attendant, je vais chercher une pelle. Ce sera le test. Si tu es encore là, je reconsidère ma motivation.
Mais oui ! Tu es toujours là. Tu ne me laisses plus le choix ! Je dois réaliser ton portrait. La manière dont tu me fixes m’interpelle. Es-tu une dame ? Un gentleman ? Jamais je n’aurais cru voir autant d’émotion et de bienveillance dans le regard marron d’un reptile aussi discret. Je cours chercher de quoi capturer cet instant. Ne bouge surtout pas !
Ouf, tu es toujours là ! Bon, je vais essayer plusieurs poses, n’hésite pas à me dire si tu as une crampe. Bien, tu es une vraie star. Merci de me laisser t’approcher aussi près. Tu as peut-être compris que je ne te ferai aucun mal et que contrairement à bon nombre de mes semblables, je sais que tu es aussi dangereux qu’un ver de terre sous verveine. Et que tu es probablement plus propre que pas mal d’entre nous. D’ailleurs, pourquoi toute cette peur à la simple évocation de ton nom ? Tu n’es pas un serpent et quand bien même ! Tant de tes congénères sont morts victimes de cette peur primale du « sans-pattes » qui ne fait pourtant que renvoyer le reflet de leur propre obscurité à tous ces bourreaux. Ça me rappelle d’autres histoires, entre humains celles-là.
Encore deux ou trois angles et je te laisse petite créature. Tu commences à bouger doucement la tête, à te retourner pour plonger délicatement dans la chaleur des débris végétaux. Quelle joie d’avoir pu égayer cet après-midi venteux de ta présence. Je pense que je t’ai fait honneur et peut-être fait aimer un peu plus. Pourtant, je n’ai même pas abordé tous les bienfaits que tu prodigues au jardin. N’hésite pas à repasser quand tu veux ! Dans un an, un siècle, une éternité…

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